L’OTAN : un souffle retrouvé
Par son caractère inédit – nombre de troupes mobilisées, moyens numériques mis en place, violence sur les civils – cette agression a surpris l’Occident en lui rappelant sa fragilité. En l’absence d’institution européenne de Défense, l’OTAN est apparue comme le seul « outil » à la disposition de l’Occident pour soutenir l’Ukraine face la Russie. Toutefois, la réponse de l’OTAN ne doit pas être totale au sens Clausewitzien. Il n’est en effet pas dans l’intérêt de l’Occident « d’humilier la Russie » et de détruire ses cœurs économiques et sociaux mais plutôt de seulement permettre à l’Ukraine de retrouver sa souveraineté territoriale. L’humiliation ou la destruction de la Russie déstabiliserait en effet gravement notre continent, ce qui n’est dans l’intérêt de personne.
L’OTAN a donc retrouvé un nouveau souffle avec ce conflit. L’agression Russe a fait prendre conscience aux pays non-alignés l’importance de l’Organisation – à l’image de la Finlande. Bien que ce conflit fédère l’Ouest autour de la défense de l’Ukraine, il révèle les réalités d’un monde changeant dont le centre de gravité n’est plus euro-centré. Nombre de pays du Sud ont en effet refusé de signer la condamnation de la Russie à l’ONU et sept pays ont même voté contre (dont le Mali), illustrant l’influence de la Russie. Par ce refus, Bamako prouve que ses partenaires ne sont plus ceux d’autrefois. Il convient donc de ne pas fixer notre attention sur l’Ukraine car V. Poutine progresse rapidement (et subtilement !) en Afrique.
Face à ce constat, la France doit jouer son rôle de puissance d’équilibre dans l’OTAN. Plutôt que de diluer ses efforts dans la construction d’une Défense Européenne (qui n’a d’ailleurs jamais profondément mobilisé ses voisins européens), il est important qu’elle fasse entendre sa voix pour agir de manière pragmatique et coordonnée. Bien que la création du Fond Européen de Défense témoigne de la volonté de Bruxelles de soutenir l’industrie de défense européenne, les Etats membres s’obstinent à faire « cavalier seul » : la conception d’un char franco-allemand est à l’état de projet, le SCAF est dans une impasse et les Italiens, Anglais et Japonais souhaitent développer conjointement un avion de combat du futur. Ces ambiguïtés se retrouvent même au sein d’alliances, bien que spécialement conçues pour rapprocher les États : alors que la société franco-italienne NAVIRIS, détenue à 50/50 par Fincantieri et Naval Group, vise à rapprocher la France et l’Italie dans le domaine maritime, les deux constructeurs navals demeurent de sérieux rivaux sur le marché européen !
Ainsi, l’OTAN demeure la seule institution, bien que sous influence de Washington, à apporter une réponse efficace à court terme. S’il est en effet vrai que les Etats-Unis manifestent un intérêt grandissant à l’égard de l’Asie du Sud Est, il semble peu probable qu’ils se retirent de l’Europe – berceau historique, politique et culturel des États-Unis (inutile de rappeler des figures telles que Lafayette, …). L’idée d’un désintérêt américain à l’égard de l’Europe ne semble donc plus être à l’ordre du jour, le nombre de militaires américains déployés en Europe ayant d’ailleurs retrouvé un niveau similaire lors de la Guerre Froide.
Certes, l’Europe de la Défense permet à Bruxelles de gagner en indépendance et en souveraineté technologique mais, la réponse militaire la plus adéquat reste américaine (l’Europe n’a jamais acheté autant d’armes aux Etats-Unis qu’aujourd’hui). L’Europe de la Défense demeure un projet à long terme, à la condition des États membres d’accepter un marché militaire commun et de cesser les velléités nationales.