Une bonne politique économique pose ses bases sur 4 piliers :
- La croissance ;
- La stabilité des prix ;
- Le plein emploi ;
- L’équilibre des échanges extérieurs.
En ce sens, repenser le système économique, c’est aussi faire l’impasse - ou le bond en avant - sur des principes donnés. Dans la plupart des pays européens, faire face à la pandémie de COVID-19 répondait d’un impératif de politique macroprudentielle, autrement dit d’assouplissement des exigences financières, dans le but de permettre une relance de l’économie plus facile, par un accès à l’emploi plus simple. Pour autant, dans des politiques monétaires, plus austères, l’envolée des prix est mesurée et contrôlée, et l’inflation produit donc moins d’effets. Mais en retour, ces politiques ont un effet négatif sur l’emploi, le pouvoir d’achat et la production [2].
Cela suppose qu’il faille revoir sa copie en matière de gestion de politiques économiques et publiques en intégrant la dure réalité d’un retour aux prix pré-COVID-19 et conflit opposant Russie et Ukraine comme étant impossible. L’une des raisons venant s’ajouter à cette nouvelle dynamique est également liée aux bénéfices importants dégagés par les grandes entreprises sur les deux dernières années, notamment par l’intermédiaire de l’augmentation des marges (+32 % en 2023) et l’envolée des prix de l’énergie (+40 % en moyenne en Europe).
L’imbrication de facteurs géopolitiques puis conjoncturels doivent nous permettre de repenser et renforcer notre système commercial multilatéral.
Dès lors, ce sont des dynamiques variées qui s’opposent. La volonté européenne de solidifier le socle de compétitivité largement défendu par la France et l’Allemagne s’oppose ainsi au modèle américain qui depuis l’année 2022 a pu faire émerger l’Inflation Réduction Act, qui vise à renforcer le modèle américain aux valeurs conservatrices avec une certaine incitation fiscale aux entreprises à créer l’emploi sur le sol américain, quitte à sacrifier les principes mondialistes.
C’est un jeu d’influences et de stratégies diverses et variées auquel nous sommes, et serons confrontés dans les années à venir. L’exemple russe peut aussi témoigner d’une volonté de diversifier tant bien que mal son économie en dépit de ces facteurs inflationnistes (+7.4 % en 2023) sur une refondation en économie de guerre, valorisée par la multiplication d’accords bilatéraux signés avec la Chine, atteignant un pic de près de 27
% en matière d’échanges de biens et services sur l’année 2023. On retrouve dans cette stratégie la volonté de s’unir notamment en matière d’armement. Du côté du Kremlin, remobiliser l’économie passe par des investissements massifs dans l’armée, un keynésianisme militaire faisant basculer la politique économique russe dans la restructuration de son économie servant à lutter contre l’inflation, mais aussi à influencer le jeu politique international.
Démontrer que l’on est capables de concentrer 6 % de son PIB dans l’armée est un euphémisme pour le Kremlin, une démonstration de ce que la Russie souhaite renvoyer aux yeux du monde : une politique économique capable de jongler avec les sanctions européennes et les données conjoncturelles auxquelles elle est confrontée [3].
Pour autant, les exemples susmentionnés traitent du cas par cas, mais les dynamiques sont belles et bien mondiales, voire continentales. Le plan « relance et résilience » de l’Union Européenne ambitionne de consacrer 806 milliards d’euros à la reprise économique du continent [4] pour faire face à la question inflationniste ou sanitaire, voire militaire. Mais à l’heure où les altermondialistes alternent entre chaud et froid, c’est aujourd’hui une autre question qui cristallise l’attention : la transition écologique.
En effet, il semblerait qu’il y ait un intérêt à atteindre les objectifs fixés par les institutions supranationales telles que l’UE, dont les pays membres ont pour mission de consacrer 37
% de leur budget au climat et 20 % au secteur numérique. Qu’est-ce que cela suppose ? Il faut y voir un plan global de relance, mais aussi de résistance face aux puissances telles que la Russie ou la Chine, voire les BRICS dans leur ensemble. Pourquoi ? Car à ce jour, l’influence de ces pays est en grande croissance.
En effet, sur la simple année 2023, on dénombre près de 60 demandes auprès du groupement qui, élargi au 1er janvier 2024 avec l’entrée de l’Égypte ou encore de l’Arabie Saoudite, de l’Iran ou de l’Éthiopie, renforce son assise politique et économique sur le jeu politique international, faisant émerger par ailleurs une succursale de son groupe avec les
« BRICS+ » qui constituent une véritable force de frappe économique (35.6 % du PIB mondial en 2022) [5].
Ainsi s’ouvre une partie d’échecs mondiale, entre politiques économiques différentes et objectifs divergents. Mais dans plusieurs cas de figure, une plus grande coordination des politiques serait profitable. Une plus grande coordination internationale doit répondre aux besoins, conflits, ou défis futurs.
[1] Élargissement des BRICS : quelles conséquences potentielles pour l’économie mondiale ?, Banque de France. URL : https://www.banque-france.fr/fr/ publications-et-statistiques/publications/elargissement-des-brics-quelles-consequences-potentielles-pour-leconomie-mondiale
[2] Le plan de relance européen : poser les bases de la reprise française. URL : https://france.representation.ec.europa.eu/strategie-et-priorites/le-plan-de-relance-europeen_fr
[3] Desrosiers, É. (2024, 23 février). La Russie a répondu aux sanctions par une économie de guerre. Le Devoir. URL : https://www.ledevoir.com/economie/807766/analyse-russie-repondu-sanctions-economie-guerre?
[4] Quand les politiques macroprudentielles et monétaires peuvent-elles être en conflit ? (2022, 7 avril). Banque de France. URL : https://publications.banque-france.fr/quand-les-politiques-macroprudentielles-et-monetaires-peuvent-elles-etre-en-conflit
[5] Confrère, E. (2023, 13 novembre). Inflation alimentaire ; : pourquoi la France fait figure de mauvaise élève en Europe. Le Figaro. URL : https://www.lefigaro.fr/conso/inflation-alimentaire-pourquoi-la-france-fait-figure-de-mauvaise-eleve-en-europe-20231113